Après le retour de Lance Armstrong au Tour de France, celui de Michael Schumacher dans le championnat de F1 vient relancer l’intérêt de grandes compétitions aux images écornées. Accusés autrefois, au faîte de leur hégémonie, de tuer le suspense et l’intérêt même du public pour leur sport, ils sont attendus et fêtés comme des héros.
Outre la passion sans doute intacte de ces immenses champions, on voit pourquoi leur retour est organisé (orchestré ?) en accord avec les hautes instances de leur discipline respective. On ne parle pas là seulement d’efficacité, de performance, de sport, mais bien de lien, de sens et, même, de valeurs. Ceux-là sont à la fois des figures mythiques et des familiers de notre quotidien. Qui n’a pas l’impression de les connaître ? Suivre le retour de ces vieilles gloires nous passionne, ça nous parle.
Tout est là : raconter une histoire. C’est aussi une excellente manière de communiquer. Sport, politique, entreprises, commerce, à petite ou à grande échelle : pour toucher, il faut parler au cœur, pas seulement à l’esprit. Dans notre vie quotidienne de citoyen, usager et consommateur… l’invasion des réseaux sociaux et autres outils de gazouillage (1) sur le Net relèvent en partie de la même logique : je raconte mon histoire au quotidien à mes amis.
Dans la compétition économique, la communication, avec toute sa palette d’actions possibles, séparément ou combi- nées, doit avoir cet objectif de nous raconter quelque chose qui laisse une trace et bâtisse une relation. Dans le monde politique, “c’est sous la présidence de M. Clinton que le sto- rytelling (2) politique est entré à la Maison-Blanche, avec sa cohorte de consultants, de scénaristes hollywoodiens et de publicitaires” (3). On voit bien que la victoire d’Obama est d’abord celle d’un homme qui a su entraîner et faire rêver en promettant non seulement de tourner la page des années Bush, mais aussi d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire des Etats-Unis ; souvenons-nous de son discours d’introni- sation se référant sans cesse aux valeurs de fondateurs et des pionniers. A contrario, et pour rester dans le champ politique, que manque-t-il à l’Europe ? Certes pas les moyens de communiquer, mais plutôt de trouver les sujets qui nous parlent, en mobilisant nos valeurs communes et notre ima- ginaire collectif. Il lui manque de nous raconter une histoire qui nous toucherait.
On critique cette méthode dans ce qu’elle aurait de manipu- latoire. C’est – sans doute – parfois vrai mais c’est aussi exa- géré. Une histoire fonctionne d’autant mieux, et surtout fonctionnera durablement, à travers ses différents épisodes si elle est fondée sur des éléments structurants forts et avé- rés. Du coup, être vrai devient un enjeu non pas (seulement) de morale mais aussi d’efficacité.
Publié dans Objectif Aquitaine, septembre 2009
(1) Gazouiller = twitter. (2) Storytelling : art de convaincre en utilisant le pouvoir des histoires. (3) “Le Monde diplomatique”, Christian Salmon, novembre 2006.