Entre l’hypercommunication toujours plus envahissante d’un côté et une certaine perte de confiance dans les institutions de l’autre côté, il est nécessaire d’objectiver un peu nos impressions ou intuitions disparates quant à l’efficacité et à l’utilité de la communication publique locale, notamment celle émise par les collectivités.
C’est tout l’enjeu du baromètre par l’agence Epiceum – avec laquelle je collabore régulièrement – et Harris Interactive. Il est réalisé au niveau national tous les deux ans depuis 2009, avec le soutien du réseau Cap’com, de La Poste et de la revue Pouvoirs Publics (enquête menée en ligne du 4 au 13 juin 2013, auprès d’un échantillon de 1000 personnes âgées de 18 ans et plus représentatives de ka population française selon la méthode des quotas ; pour recevoir les résultats complets du sondages cliquez ici.).
A l’approche des élections municipales, il est bien entendu particulièrement intéressant d’examiner nos pratiques à l’aune de cette étude. J’ai eu le plaisir d’en présenter les résultats au réseau des communicants territoriaux animé par Didier Rigaud et Béatrice Ducasse du CNFPT Aquitaine, aux côtés de Jean-Daniel Lévy, directeur du département Opinion de Harris Interactive, et de Bernard Deljarrie, délégué général de Cap’com.
Premier constat l’information émise par les collectivités est écoutée : en moyenne, un citoyen utilise 8 supports d’information pour se tenir au courant de ce qui se passe dans la vie locale et parmi eux 2,4 émis par les collectivités. On y recherche surtout des renseignements d’ordre pratique liés à la vie quotidienne : sur la vie culturelle et les loisirs, sur la vie associative, sur les services publics voire sur les grands projets du territoire.
Au hit parade des supports préférés, le bulletin municipal caracole toujours en tête (84 % des Français l’utilisent !) juste devant… les échanges directs entre habitants (80 %). La presse et la télévision sont nettement moins utilisées (respectivement 50 % et 68 %). Et cette dernière est d’ailleurs en forte régression dans les usages (- 20 points depuis 2009). Alors que le site internet de la collectivité grimpe lui fortement de 37 % d’usagers à 62 %. Tous ces supports sont appréciés pour la qualité de l’information diffusée : 90 % trouvent que le bulletin municipal informe bien ou très bien sur la vie locale (autant que la presse régionale, à 91 %), devant les échanges avec les élus (81 %), les radios (88 %), les réunions publiques (84 %). Les sites internet et réseaux sociaux officiels des sont de plus en plus utilisés eux aussi ; mais, comme les autres supports, ils sont principalement appréciés pour leurs informations pratiques et – paradoxalement – ne sont guère attendus sur la création de liens entre les citoyens, comme si leur caractère « officiel » les en empêchaient ou que d’autres sites et réseaux répondaient mieux à ce souhait. Plus que l’interactivité, c’est l’accessibilité 24h24 des services publics qui est finalement appréciée.
On le voit, les « vieux » supports restent indémodables, mais les « nouveaux » sont tout autant indispensables, surtout si on analyse les choses plus finement par classes d’âge ou par type de territoire : par exemple, la « consommation » de médias locaux en Ile-de-France est fortement inférieure à la moyenne ; autre exemple, l’utilisation proportionnellement plus élevée des sites internet officiels par les 25-35 ans (mais pas par les 18-24). Plus que jamais, l’enjeu pour les élus et les directions de communication est de réussir à combiner et hiérarchiser ces outils.
Dans le champ de la participation, les échanges directs avec les élus sont perçus comme satisfaisants lorsqu’il y en a. Mais les réponses au sondage interpellent sur une certaine distance prise par les Français avec la démocratie participative (ou du moins avec les formes qui en sont proposées. Les explications en la matière tiennent de la conjecture : ces outils auraient ils été galvaudés et parfois utilisés mal à propos ? ou les élections présidentielle puis législative auraient-elle détourné les Français du débat local ?
Toujours est-il qu’1 Français sur 2 seulement estime avoir reçu une information suffisante sur la démocratie locale, les conseils de quartier, les réunions publiques ; que la fréquentation des réunions publiques est passée de 35 % à 25 % ; que le contact direct avec les élus est passé de 44 % à 32 % ; qu’il ne sont que 40 % à dire que la communication de leur collectivité les incite à participer à la vie publique locale ou leur donne le sentiment que les élus sont proches de leurs préoccupations (en queue de liste parmi 9 items). Voici sans doute une piste de réflexion et d’amélioration pour les années à venir.
Comme on l’a vu, du côté des grandes satisfactions, on peut souligner l’appréciation particulièrement positive des supports municipaux (entre 63 % et 70 % sur des questions de crédibilité, d’utilité et de qualité d’information). Mais celle-ci a son corollaire : d’abord un certain désintérêt vis à vis des supports des autres collectivités ou intercommunalités (de 20 % à 43 % d’avis positifs sur les mêmes questions) et aussi – surtout – près des deux tiers des Français (63 % exactement) ne comprennent pas le rôle et le fonctionnement des collectivités. Si on y ajoute le sentiment d‘être mal informés sur le budget (54 %) et sur le prix des services publics (65 %), on voit là tout un pan d’insatisfaction qui émerge fortement et qui devrait se renforcer en ces temps de contraintes budgétaires grandissantes (rappel : le sondage a été effectué juste avant l’été). On décèle donc là un champ important à labourer dans les années qui viennent. Peut-être une approche par le récepteur (le citoyen / usager) plutôt que par l’émetteur (la collectivité, l’Etat…) serait-elle en la matière intéressante, génératrice d’économie et créatrice de synergies ? Pour l’instant cette idée suggérée lors des échanges avec le réseau des communicants territoriaux du CNFPT n’a pas généré d’adhésion spontanée, mais il est vrai que sortir d’une logique en silo « une institution = une communication » est – pour l’instant – difficile.